Par Camille Lizop.
J’ai cherché à y voir plus clair sur notre rapport si ambivalent à la « féminité », sur les ressorts de ce jeu d’équilibriste pour être féminine mais pas trop, et surtout, sans effort. Je voulais comprendre comment le mythe de la « beauté au naturel » tenait la route. Il fallait lever le voile sur le pari impossible décrit par Mona Chollet dans Beauté fatale, qui somme chacune d’être « naturellement mince » et « belle sans le savoir ». L’injonction contradictoire qui fait qu’on se cache pour s’épiler et qu’on essaye de se maquiller sans que ça ne se voit - si vous connaissez la tendance make up no make up. J’ai essayé d’examiner les ficelles du « travail de la féminité », qui opère différemment selon les milieux sociaux, mais les traverse tous.
J’avais découvert le pot-aux-roses, il me fallait désormais trouver comment faire face.
J’ai d’abord envisagé la possibilité de jouer le jeu. La presse féminine regorge de bons conseils pour « faire la différence entre cool et négligé », pour s’adapter quand « l’effortless chic ne fonctionne pas », ou pour savoir « comment porter le jogging sans avoir l’air de se laisser aller ».
Cette première option m’a fatiguée d’avance, je me suis vue devenir chèvre, et peut-être même, devenir une pick me girl. La pick me - vous en avez certainement déjà croisé, certaines se reconnaîtront même dans le portrait - c’est l’aboutissement ultime de la dialectique de la féminité imposée - empêchée. Non contente de s’auto-flageller dans son travail de la féminité, la pick me s’en prend à ses sœurs. Elle est le bras armé du patriarcat, qu’elle subit de plein fouet. Dans sa chronique pour Le Monde, la journaliste Anne Chirol nous explique : une pick me, c’est « une femme en quête de validation masculine, qui n’hésite pas à faire savoir qu’elle, elle n’est pas « comme les autres ». Pour ce faire, elle dénigre des comportements perçus comme féminins, comme le fait d’être coquette (« Quelle gonzesse superficielle ! ») ».
Voilà pour les perspectives. Deuxième option, donc : la mettre à l’envers.
Cette fois je suis allée voir du côté de la Gen Z et de ses stratégies féministes pour ne plus se cacher, pour se réapproprier les codes de la féminité, et la redéfinir.
Sans imaginer qu’une quelconque génération nous sauverait soudainement, je dois dire que les lycéennes et lycéens d’aujourd’hui ont de quoi nous inspirer. Nous avons sous les yeux une génération qui réhabilite la coquetterie, les paillettes et les faux ongles. Not all jeunes, certes. Mais suffisamment pour l’apprécier : des « jeunes », donc, qui semblent à même de redéfinir les normes de la féminité et surtout, sa signification.
Des jeunes qui ont décidé de retourner le stigmate, de se saisir des codes de la féminité pour les retourner contre l’oppresseur en cas de besoin. Une génération qui performe la féminité comme insubordination, pour reprendre et inverser le titre du dernier chapitre de Beauté fatale. Le maquillage et les camions volés ne font pas peur à cette jeunesse, pas plus que les grands ongles de toutes les couleurs, comme autant d’armures contre le patriarcat. En témoigne, entre autres, le compte Instagram Fauxonglesvraiesgriffes, qui a testé pour vous : « la manucure idéale pour décrocher des pavés ».
Camille Lizop
Ce texte est le second d'une trilogie. Vous avez manqué le premier épisode ? Retrouvez-le juste ici.
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