Par Camille Lizop.
Les boutiques de vêtements m’ont longtemps angoissée. Je m’y suis souvent sentie mal à l’aise, un peu sur mes gardes. En fait, quand je faisais du shopping, j’étais terrorisée à l’idée de croiser quelqu’un que je connaissais. J’ai souvent écourté ces moments, dans un plaisir à moitié gâché par l’angoisse d’être prise en flagrant délit. Délit de quoi ? J’ai cherché, et j’ai trouvé.
C’est vrai, j’avais honte d’acheter des t-shirts Uniqlo, mais ce n’était pas tout. En fait, j’avais surtout honte qu’on me voie en plein labeur. Qu’on me surprenne en plein effort de beauté, en train de travailler sur ma direction artistique personnelle. Comme si les réflexions intimes que j’avais en balayant du regard les étals de fringues pouvaient se lire en transparence sur mon visage. Comme si les réflexions intimes que j’avais en balayant du regard les étals de fringues pouvaient se lire en transparence sur mon visage. Ce body qui m’irait bien, ce pantalon qui serait parfait, cette robe qui ne m’irait jamais. Bref, tout se passait comme si je risquais à tout moment de dévoiler mon secret : je me souciais de mon apparence physique, et faisais quelques efforts pour ressembler à quelque chose.
C’était la double peine : je devais à la fois être belle, et ne pas me soucier de mon apparence. Avoir un bon look, sans faire de shopping. Pour trouver les sources de cette injonction contradictoire, j’ai remonté le temps. J’ai repensé à mon style de collègienne, à la fin des années 2000 à Paris. J’y ai trouvé les mots, et le réconfort de n’avoir sans doute pas été la seule.
On avait beau passer des heures à choisir nos tenues et à se maquiller (en cachette), le résultat était une opération de bluff : jean + baskets + Eastpak. Ajoutez une mèche de cheveux qui tombe nonchalamment sur le visage + un hoodie qu’on n’appelait pas encore hoodie, et vous l’aurez : l’outfit préféré de nos quatorze ans.
À en croire les photos et mon souvenir, ce que l’on valorisait, c’était la prétendue négligence de nos looks pourtant millimétrés. On portait nos jeans troués, et la nonchalance en sous-entendu. À condition cependant de coller aux standards de beauté : il ne s’agissait pas d’être réellement négligée mais bien de jouer la négligence.
On sacralisait la beauté tout en méprisant les chemins pour y parvenir. Il fallait les résultats sans les moyens. La beauté sans l’effort. Même si, dans la froideur des salons BodyMinute, on le savait très bien, qu’il fallait souffrir pour être belles.
La coquetterie était notre plus grand secret.
Camille Lizop
Ce texte est le premier d'une trilogie. Vous voulez lire le second épisode ? Il arrive dans deux semaines dans votre boîte mail.
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