💌 Cette féminité que je ne saurais voir.

Par Camille Lizop.

Curiosity Club News
3 min ⋅ 09/01/2025

Les boutiques de vêtements m’ont longtemps angoissée. Je m’y suis souvent sentie mal à l’aise, un peu sur mes gardes. En fait, quand je faisais du shopping, j’étais terrorisée à l’idée de croiser quelqu’un que je connaissais. J’ai souvent écourté ces moments, dans un plaisir à moitié gâché par l’angoisse d’être prise en flagrant délit. Délit de quoi ? J’ai cherché, et j’ai trouvé.

C’est vrai, j’avais honte d’acheter des t-shirts Uniqlo, mais ce n’était pas tout. En fait, j’avais surtout honte qu’on me voie en plein labeur. Qu’on me surprenne en plein effort de beauté, en train de travailler sur ma direction artistique personnelle. Comme si les réflexions intimes que j’avais en balayant du regard les étals de fringues pouvaient se lire en transparence sur mon visage. Comme si les réflexions intimes que j’avais en balayant du regard les étals de fringues pouvaient se lire en transparence sur mon visage. Ce body qui m’irait bien, ce pantalon qui serait parfait, cette robe qui ne m’irait jamais. Bref, tout se passait comme si je risquais à tout moment de dévoiler mon secret : je me souciais de mon apparence physique, et faisais quelques efforts pour ressembler à quelque chose.

C’était la double peine : je devais à la fois être belle, et ne pas me soucier de mon apparence. Avoir un bon look, sans faire de shopping. Pour trouver les sources de cette injonction contradictoire, j’ai remonté le temps. J’ai repensé à mon style de collègienne, à la fin des années 2000 à Paris. J’y ai trouvé les mots, et le réconfort de n’avoir sans doute pas été la seule.

On avait beau passer des heures à choisir nos tenues et à se maquiller (en cachette), le résultat était une opération de bluff : jean + baskets + Eastpak. Ajoutez une mèche de cheveux qui tombe nonchalamment sur le visage + un hoodie qu’on n’appelait pas encore hoodie, et vous l’aurez : l’outfit préféré de nos quatorze ans.

À en croire les photos et mon souvenir, ce que l’on valorisait, c’était la prétendue négligence de nos looks pourtant millimétrés. On portait nos jeans troués, et la nonchalance en sous-entendu. À condition cependant de coller aux standards de beauté : il ne s’agissait pas d’être réellement négligée mais bien de jouer la négligence.

On sacralisait la beauté tout en méprisant les chemins pour y parvenir. Il fallait les résultats sans les moyens. La beauté sans l’effort. Même si, dans la froideur des salons BodyMinute, on le savait très bien, qu’il fallait souffrir pour être belles.

La coquetterie était notre plus grand secret.

Camille Lizop

Ce texte est le premier d'une trilogie. Vous voulez lire le second épisode ? Il arrive dans deux semaines dans votre boîte mail.

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Curiosity Club News

Par Curiosity Club

Française et britannique, femme, mère et amante, plume et cadre dirigeante, Julie aime les mots mais pas les cases étroites dans lesquelles on range les idées et les gens. Elle milite pour une intelligence plurielle, pour le droit à être plusieurs choses en même temps et considère la curiosité comme la plus belle des qualités. Pour Curiosity Club, elle partage des fragments de vie et pose des mots sur les déflagrations qui nous ébrèchent autant qu'elles nous grandissent. 

Ophélie est diplômée d’un PhD en philosophie et études de genre de l’université de Cornell (USA). Elle enseigne les humanités politiques et les questions de genre à Sciences-Po Paris. Son approche éclaire les sujets d’égalité F/H, d’inclusion et de leadership par les sciences humaines.

Valentine partage avec nous les 10 ans qu’elle a passé sur le terrain à parcourir les zones de conflits pour faire respecter le « droit de la guerre » et améliorer les conditions des civils souffrant d'années de conflits. De la gestion du risque et de la peur à l’exploitation de ses forces en passant par l’adaptation à son environnement et la négociation, vous n’êtes pas au bout de vos surprises. 

Philosophe de formation, Camille a travaillé comme chargée de recherches dans le milieu de l’innovation sociale, puis comme conseillère auprès d’un élu local. Elle écrit pour contribuer à la fabrique d'un monde pétri de moins d'inégalités - qu'elles soient sexistes, classistes, racistes, validistes. Ses domaines de prédilection ? L’égalité femmes-hommes, la justice sociale et le travail, la culture et le design.


Jeanne a étudié les lettres et le cinéma à Paris, Montréal et Rome. En 2024, elle s'est installée sur l'île de Groix pour reprendre la co-direction artistique du FIFIG, un festival de cinéma documentaire dédié à l'insularité. Elle travaille en parallèle sur ses propres projets de films documentaire et d'écriture.

Consultante et aujourd'hui journaliste, Clémentine s'intéresse notamment aux évolutions du monde du travail, aux questions de genre et d'égalité, et à l’écologie. Elle aime écrire sur l'actualité, les gens qu’elle rencontre ou pour détailler les pérégrinations de son cerveau.