Par Jeanne Hardy.
Ces temps-ci, le rythme de mon fil d’actualité sur les réseaux sociaux a de quoi me faire perdre la tête. J’alterne mon temps de scroll entre des images toujours plus désespérantes des Etats-Unis où un gang de milliardaires a pris le pouvoir depuis une dizaine de jours et des images toujours plus fascinantes d’une jeune femme de 23 ans qui sillonne les océans à la voile depuis plus de 80 jours. Mon algorithme a bien saisi mes angoisses et mes fantasmes.
Il y a des visages que l’on préfère voir et revoir.
Malheureusement, ce gang d’ultras riches au discours viriliste prend de plus en plus de place dans les médias et je ne cesse de lire le mot toute-puissance associé à l’image de ces hommes. Pourtant, je trouve que la puissance est bien ailleurs en ce moment.
Cela fait trois mois que mon quotidien est marqué par le prénom Violette. Trois mois qu’une petite inspection quotidienne m’occupe chaque matin. Je débute la journée en regardant la position du bateau de Violette sur le globe virtuel de mon téléphone portable. Depuis le mois de décembre, assidue, en bonne élève, j’ai suivi son voyage. Je l’ai vu évoluer d’océans en océans, de cap en cap avec fascination. À seulement 23 ans, elle est la plus jeune navigatrice de l’histoire à s’aventurer sur cet Everest des mers, le Vendée Globe, une course mythique : un tour du monde en solitaire, à la voile, sans escale et sans assistance. En écrivant cette phrase, je me dis que cela remet très vite en perspective la notion de puissance. Le terme, sans aucun doute, prend beaucoup plus d’ampleur dans l’aventure et l’audace des jeunes femmes, loin de la bêtise.
Car tandis qu’un homme s’amuse à renommer les golfes, Violette, elle, les traverse.
Mon parallèle est sûrement un peu simple, mais il y a dans cette actualité une histoire de contre-balance qui fait du bien. Car l’image de cette jeune femme, fêtée en vainqueuse, acclamée par des milliers d’inconnus, réunis sur les pontons des Sables d’Olonne est réconfortante. Face à d’autres images de foule en liesse, cet engouement autour d’une femme est même jubilatoire.
Le sentiment de puissance qui émane de Violette, ne tient pas seulement au fait - difficile de parler d’un simple fait - à l’exploit d’affronter, seule, les mers les plus difficiles du monde. Mais aussi parce que, loin de l’image des skippers peu loquaces célébrant avec force leurs batailles contre les océans, Violette dépoussière l’image du loup de mer. Elle ose raconter ses doutes et ses erreurs ; et on le sait bien, la vraie puissance se cache dans la reconnaissance de ses faiblesses. Elle assume l’effort sans complexe, reconnaît avoir eu peur. Lorsqu’elle décide de ralentir avant le passage du mythique cap Horn, par prudence face à la tempête qui lui fait face et par peur d’abîmer son bateau, la puissance rationnelle se reconnaît et s’admire.
Loin de la froideur de la performance, Violette a écrit une nouvelle histoire de femme fascinante. Si l’on passe le mot puissante au féminin, souvent, il trouve son prolongement dans celui de “badass” : une femme remarquable pour ses qualités de courage, de force et d’énergie.
Parce que Violette joue pour l’aventure, plus que pour le culte de la performance, elle ridiculise ceux qui ne jouent que pour les rapports de force.
Le tour du monde en 90 jours, 22 heures et 37 minutes
Merci Violette.
Jeanne Hardy
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