Comment écrire un billet inspirant quand on a le souffle coupé par l’attente anxieuse ?
Nous avions prévu de vous offrir une respiration, une réflexion poétique. Un peu de douceur à l’approche des congés d’été.
Mais l’atmosphère est lourde et l’attente interminable en cette semaine d’entre-deux tours d’une élection législative dont les projections nous font osciller entre sidération et désespoir.
« N’en parle surtout pas, écrit plutôt quelque chose de joli et de léger ! » m’aurait dit ma grand-mère, qui a grandi à une période où la bienséance imposait la politique de l’autruche face à tout sujet qui fâche.
Elle n’était pas seule à s’enfouir la tête dans le sable.
La tentation est grande de s’incliner quand une organisation propulsée à grands coups de vidéos sur Tik-Tok prétend s’approprier le bleu-blanc-rouge et décider qui en est digne et qui sera exclu.
À quoi bon se battre si l’être humain n’a rien retenu des moments les plus sombres de son histoire ?
Le même sentiment nous saisit à chaque publication de rapport alarmant sur l’état du climat.
À quoi bon trier sa poubelle quand les défis sont si grands ?
C’est lui encore, qui vous a fait renoncer l’an passé à demander une augmentation de salaire pourtant méritée.
Ă€ quoi bon ? On va encore me dire non.
Lui toujours, qui finira par convaincre mon amie qu’elle n’aura jamais d’enfant.
Ă€ quoi bon ? On essaie depuis deux ans et cela ne fonctionne pas.
Cette musique toxique qui pousse à renoncer, ce sentiment douloureux, porte un nom. On l’appelle l’impuissance apprise.
Il s’agit d’un concept développé dans les années 1960 par les psychologues Martin Seligman et Steven Meier. Leurs expériences ont en effet permis de démontrer que face à des échecs répétés, l’animal comme l’être humain développent la croyance qu’ils ne peuvent pas (s’échapper, réussir, etc.) et restent pris au piège de leur impuissance supposée même lorsque l’obstacle a disparu.
Fort heureusement, il existe une stratégie pour renouer avec sa puissance : le renforcement positif (autre proposition de Martin Seligman). Il s’agit de faire de petits pas en avant, d’initier des actions, même anodines, et de célébrer leur réussite, pour renouer avec le sentiment de contrôler sa trajectoire.
Voter dimanche prochain et contribuer activement Ă faire barrage.
Refuser l’indifférence et la haine de l’autre, offrir un sourire à la place.
Lire cette newsletter et soutenir ainsi la mission de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes que s’est donnée Curiosity.
Ces petits pas en avant, Ă quoi servent-ils ?
“À trouver le courage d'affronter l'incertain au lieu de le fuir. Trouver dans le doute, tout contre lui, la force de s'élancer.” Charles Pépin (La confiance en soi).
Car le passage à l’action, toute forme d’action, même quand l’impact paraît dérisoire, nous remet en puissance. En capacité d’agir et de peser sur le réel.
Il nous remet aussi en poésie, au sens du grec poiêsis, qui signifie “création” (le soupir de soulagement que vous venez d’entendre, c’est celui de ma grand-mère : la poésie est un sujet bien plus convenable que la politique).
Être en poésie, c’est refuser l’impuissance apprise.
C’est planifier chaque jour une action pour agir sur le monde.
Choisir d’être acteur, actrice et surtout pas spectateur de nos vies.
La stratégie des petits pas en avant produit les grands changements, comme l’inscription en France du droit à l’IVG dans la Constitution plus tôt cette année, à une période où ce droit est plus que jamais menacé dans d’autres pays du monde.
Ne lâchons rien. L’égalité, l’inclusion, la tolérance, la liberté d’expression ont besoin de chacune de nos petites actions.
"Le monde est dangereux à vivre non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire.” Albert Einstein.
Julie Allison
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