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Par Curiosity
28 nov. · 5 mn à lire
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💌 Pourquoi le 25 novembre mérite toute notre attention.

Par Ophélie Chavaroche.

Nommée « Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes », le 25 novembre commence à s’imposer dans les consciences et il est urgent d’écouter. Les violences faites aux femmes ont trop longtemps été refoulées au domaine du privé, drapées dans la honte, ou escamotées sous diverses appellations aussi trompeuses que problématiques. Rappelez-vous les « crimes passionnels », qui donnaient à croire qu’on peut poignarder sa compagne avec la noblesse d’un héros de tragédie grecque.
Pour sûr, ça n’a pas la même tonalité que « meurtre conjugal ». De même, l’excuse de la « gauloiserie », la « gaudriole » et toutes ces charmantes expressions de l’esprit français a permis de passer sous silence bien des agressions sexuelles. Ce n’est que dans les années 1990 que le « devoir conjugal » a été reconnu comme « viol conjugal ». Et que penser de tous ces bonhommes dominants qui hantent les livres et le cinéma, qui interdisent à leurs femmes de sortir, s’habiller comme elles veulent, vivre leur vie – pour leur bien. Combien d’entre nous ont vibré pour le boyfriend attentionné de Twilight, et combien ont tremblé en songeant qu’un petit ami qui vous surveille la nuit par la fenêtre est en fait l’archétype du mec toxique ?

J’essaie d’écrire avec un semblant de légèreté, mais rien de tout cela ne prête à rire. En 2023, les services de police français ont enregistré 271 000 personnes victimes de violence conjugale, dont 85% de femmes, soit 230 000 femmes victimes. Il faut apporter ici deux éclairages importants : d’abord, ces chiffres rendent compte des plaintes, pas du nombre réel de victimes qui est donc fortement sous-évalué. Ensuite, oui, les hommes aussi sont victimes de violences conjugales – mais pas dans les mêmes proportions et pas pour les mêmes raisons. Ce que les femmes subissent s’appelle la violence systémique. Elles ne sont pas la cible de violences du fait de leur situation personnelle, ou parce qu’elles se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment. À ce titre, rappelons que 91% des femmes victimes de violences sexuelles connaissent leur agresseur. Le lieu le plus dangereux pour les femmes est en fait leur propre domicile ; le beau visage courageux de Gisèle Pélicot nous le rappelle tous les jours. Ainsi, la notion de violence systémique – issue de l’anthropologie puis reprise en sociologie – signifie que les femmes sont agressées, harcelées et tuées précisément parce qu’elles sont femmes, dans une société qui les méprise, les dégrade, les perçoit comme des corps faibles, disponibles, et pouvant faire l’objet d’une possession totale.

Est-ce à dire qu’il n’y a rien à faire, qu’il est trop difficile de « changer le système » ? Pas du tout. En Espagne, la mise en place d’un très efficace dispositif juridique, avec des brigades policières et des tribunaux spécialisés, a permis de réduire considérablement les féminicides. Précisons que le financement était d’un milliard sur 5 ans : faire de la lutte contre les violences une grande cause nationale doit passer par des moyens adéquats. Cependant les lois et les punitions ne font pas tout. On le voit assez bien dans le monde du travail, où la loi garantissant l’égalité salariale ne parvient pas pour autant à combler un écart persistant de 24% ! Au cadre légal doivent s’ajouter d’autres outils.

En entreprise, où j’interviens comme conférencière, c’est le moment où l’on me demande souvent des « bonnes pratiques » et des « tips ». Au risque de déplaire à ceux qui veulent courir avant d’apprendre à marcher, voici ma réponse : il nous faut changer de paradigme. C’est-à-dire qu’à l’éthique du droit (qui régit notre société), il faut apporter le complément de l’éthique de la sollicitude, que la philosophe Carol Gilligan a nommé « éthique du care ». C’est un mot qui fait son chemin en France, mais qu’il ne faudrait pas réduire trop vite à la notion de soin. Le « care », c’est prêter attention à autrui, lire entre les lignes, se soucier de tout ce que la société viriliste et productiviste malmène sans cesse. C’est, par exemple, remarquer qu’une collègue semble avoir peur de rentrer chez elle et lui proposer d’en parler. C’est se positionner dans le métro entre un prédateur et sa proie. C’est inventer de nouvelles façons d’agir pour être présent auprès des vulnérables. Si cela vous intéresse, je vous en reparlerai. D’ici là, prenons soin de nous et des autres !

Ophélie Chavaroche

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