Curiosity News

Deux fois par mois, des articles sincères, étonnants, originaux pour parler de femmes, d’égalité et de société. Les plumes se succèdent pour réfléchir et avancer ensemble sur ces sujets. En plus de ça, découvrez le calendrier des évènements organisés par notre réseau de clubs dans votre ville et partout dans le monde, pour découvrir des femmes géniales et ne rien manquer !

image_author_Curiosity_
Par Curiosity
26 nov. · 5 mn à lire
Partager cet article :

đź’Ś NĂ©gocier son salaire comme une femme.

Par Sophie Astrabie.

L’écart salarial est un des grands sujets au coeur du débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes pour la simple et bonne raison qu’il se calcule et que comme dirait Monsieur Segura mon prof de mathématiques de 4ème “les chiffres, ça ne ment pas”. Et effectivement, cette année-là, mes notes ne mentaient pas. 

Selon l’Insee, sur l’ensemble des contrats à temps plein, les femmes touchent 16,8% de moins que les hommes. Cet écart est de 30% si l’on prend la somme de tous les salaires nets perçus par un individu au cours de l’année, quel que soit son temps de travail (explication : près de 80% des temps partiels sont occupées par des femmes).

Mais tout ne s’explique pas aussi simplement.

Plus on progresse dans l’échelle des salaires, plus l’écart entre les femmes et les hommes est important. Chez les cadres, à temps de travail égal, l’écart est de 17%. À bac +3 ou plus, l’écart passe à 20%. Dingue, non ?

On pourrait pourtant croire que faire des études donnent les mêmes “armes” aux individus pour affronter le monde du travail. Mais alors que se passe-t-il ? Les femmes prendraient-elles un arc et des flèches quand les hommes, eux, choisiraient la bombe nucléaire ?

D’autant que l’égalité salariale entre les hommes et les femmes est dans la loi depuis 1972. 

Souvent, la maternité a bon dos. Les mères gagnent 7% de moins que les pères à 25 ans et cette différence peut atteindre jusqu’à 30% à 45 ans. Mais j’ai trouvé que c’était un peu facile de regarder dans cette direction…

Alors j’ai voulu m’intéresser à une autre explication que l’on entend parfois : les femmes ne savent pas demander ou négocier leur augmentation de salaire.

Quand j’étais petite ma grand-mère me disait toujours “on ne demande pas” (99% du temps, cette phrase était prononcée devant l’étal de bonbons, à la boulangerie). Si je demandais, je n’avais pas. Sauf que si je ne demandais pas, et bien, je n’avais pas non plus. Un rapport avec cet article ? Pas vraiment, mais il fallait que ça sorte.

Une étude américaine de l’Université de Wisconsin montre que les femmes demandent autant que les hommes une promotion ou une augmentation de salaire. Seulement, quand les femmes demandent, elles n’obtiennent pas. Un peu comme avec ma mamie du coup. 

Ce constat, c’est aussi arrêter de mettre la faute sur des traits de caractère dits féminins et prendre conscience que le problème est ailleurs. Dans ce que la société est disposée à accorder ou non aux femmes. Car le caractère, qu’est-ce que c’est ? N’est ce pas ce que l’on nous autorise ou pas à être ? Un homme Neandertal avait-il intrinsèquement plus de capacités à négocier un salaire que sa femme, à une époque où l’argent et les grilles salariales n’existaient pas ?

Si les femmes demandent autant que les hommes, mais qu’elles n’obtiennent pas… alors peut-être, demandent-elles différemment ?

Et donc, si l’on poursuit ce raisonnement, pour obtenir, les femmes devraient demander… comme les hommes. 

Dans un article du New York Times, la journaliste Ruth Whippman interroge la valorisation dans notre société des qualités dites masculines au détriment des qualités dites féminines. On prône l’estime de soi, la confiance en soi plutôt que par exemple, la déférence. Elle indique de fait, que les entreprises trouvent un certain avantage à blâmer leurs employées de sexe féminin pour leur manque d’affirmation de soi… plutôt que de les payer équitablement. 

Encourager les filles à se comporter comme des garçons est chose courante quand l’inverse est sévèrement banni. Pourquoi expliquer toujours aux femmes à quel point elles devraient être plus quelque chose, ou moins quelque chose… quand on ne demande finalement pas grand chose aux hommes. Ruth Whippman appuie sur le fait que la norme sociale est masculine.

Peut-être que ce ne sont pas les femmes qui ne sont pas assez confiantes mais les hommes qui le sont trop ? Et comme la confiance est un trait de caractère attendu pour les hommes, la société les oblige à la perpétuer. 

Elle pointe du doigt, par exemple, le reproche fait aux femmes dans de nombreux essais mais aussi dans les pubs pour shampoings, de trop s’excuser. Il y a même un plug-in sur Gmail qui vérifie le contenu des emails pour supprimer les signes de contritions excessifs. La société veut nous convaincre que s’excuser, c’est mal. Pourtant, est-ce plus grave de trop s’excuser ou de ne pas le faire ? 

Pourquoi insister à ce point pour que les femmes se conforment aux normes masculines et ne pas considérer que former les hommes à aspirer aux normes culturelles des femmes, puisse être une bonne idée ? Surtout que cette pression, celle d’être un « vrai homme », est aussi subie par les hommes donc.

Tant que les normes féminines ne seront pas considérées aussi valables et ambitieuses que celles des hommes, nous ne pourrons jamais atteindre l’égalité. 

Alors que franchement, qui a envie aujourd’hui d’utiliser la bombe nucléaire ?

Sophie Astrabie

...