💌 L’été toute l’année.

Par Julie Allison.

Curiosity Club News
7 min ⋅ 19/09/2024

35 000. C’est le nombre de décisions qu’un adulte aurait à prendre chaque jour. Décider d’ouvrir l'œil, jeter un pied hors de la couette; se résigner à couper l’eau chaude et à sortir de la douche, choisir d’enfiler une jupe ou un pantalon… 
Trente-cinq mille décisions par jour, c’est plus de vingt-quatre décisions par minute.

Fort heureusement pour nos neurones en surchauffe, 99,74% d’entre elles seraient inconscientes. Des réflexes, des automatismes, des gestes basés sur les leçons de nos expériences passées.
C’est ce qui nous sauve du burn-out, en particulier pour celles et ceux qui, en plus de leurs propres décisions, ont la charge de décider pour d’autres. Ventiler le budget du département, aider une mamie accidentée à choisir un kiné ou sélectionner un cartable pour la petite Emilie… la fatigue décisionnelle guette en fin de journée.

Mais si 99,74% de nos décisions sont des choix inconscients, autant s’assurer que nos 0,26% de décisions conscientes reflètent bien nos désirs et nos choix !

Et je me permets de poser la question : est-ce bien le cas ? 


J’entends beaucoup dire ces derniers jours « c’est la course », « pfff, dur dur », « je n’avais pas envie de rentrer ». Comme chaque année, le mois de septembre (pourtant si doux) pèse comme un couvercle sur nos esprits en proie à un spleen tout baudelairien. 

Cette rentrée est pire que les autres, il faut bien se l’avouer : non seulement il a fallu ranger les maillots de bain, renoncer à l’apéro avec les copains et courir derrière les fournitures scolaires (le classeur avec anneaux en “D” et intercalaires transparents en 24x32 demandé par la maîtresse de CM2) mais, cerise sur le gâteau empoisonné, les Jeux Olympiques et Paralympiques sont terminés. 

Les sticks de maquillage aux couleurs du drapeau français ont été remisés, les peaux joliment dorées blêmissent cette semaine sous les pantalons retrouvés et l’on arbore dans les rues ce masque stressé qui réapparaît à la fin de l’été : celui de l’adulting

Un néologisme surgi dans les années 2010 et attribué à l’autrice américaine Kelly Williams Brown dont le livre Adulting : how to become a grown-up in 468 easy-ish steps (littéralement “devenir adulte en 468 étapes plus ou moins simples”), décrit avec humour les comportements préconisés pour porter dignement le costume amidonné de l’adulte responsable et conforme aux attentes de la société. 

Or si la dépression estivale est plus rare que celle du mois de janvier, c’est en partie parce que pour nombre d’entre nous, il souffle pendant les deux mois d’été un doux vent de liberté. 

Adieu l’adulting, bonjour la spontanéité.

Ajoutez cette année au mélange une généreuse pincée de poudre de Jeux Olympiques concoctée avec passion par les équipes de Tony Estanguet et mise en scène par Thomas Jolly, et vous obtenez une bourrasque de joie, une tempête d’applaudissements, un cyclone d’espérance qui balaie sur son passage les “il faut”, les mines renfrognées et les costumes étriqués.

Pourtant les Jeux sont faits, la rentrée est bien là.
On parle déjà avec nostalgie d’une “parenthèse enchantée”, de ce Paris est une fête qui restera gravé dans les mémoires et que l’on aurait tant aimé prolonger. Comme si la bulle de légèreté qui nous a fait vibrer, trépigner et danser dans les stades et devant nos écrans télé avait éclaté.

Sauf que. Il nous reste ces précieux 0,26% de décisions conscientes et quotidiennes : qu’allons-nous choisir, qu’allons-nous changer ? 

Dans (l’excellent)
Procrastination decoded, le psychologue américain David Maloney explique que la procrastination dont on souffre tous et toutes à certains moments de la vie n’est pas attribuable à la paresse ni à un manque de volonté, mais plus profondément à un manque de désir. On n’a plus envie, quoi.
De déclarer ses impôts, payer les charges Urssaf, rédiger un nouveau rapport, assister à ce meeting pourtant “très important”.
De remplir ses journées de “il faut” et “pas le choix”. 
L’adulting tue à petit feu, aussi sûrement que le tabac.

Maloney donne ce conseil simple, pour injecter dans le quotidien plus de joie : le “motivational planning”, qui consiste à mettre chaque jour à l’agenda une ou deux plages de temps dédiées à ce qui nous fait vraiment plaisir. AVANT d’y inscrire quoi que ce soit d’autre.

J’ai testé ces derniers mois, avec pas mal de circonspection (je porte mon costume d’adulte depuis longtemps). Spoiler : ça marche du tonnerre. Energie garantie.

“A spoonful of sugar helps the medicine go down”, chantait la
sage Mary Poppins. 
On ferait bien de s’inspirer des conseils transmis à nos bambins. 

Car oui, il y a des obligations auxquelles on ne peut déroger.
Mais 0,26% de décisions conscientes, sur une base de 35 000, ça fait tout de même 91 chaque jour… on peut sans risque en consacrer 2 ou 3 à ce qui nous donne de la légèreté et prolonger les festivités, non !

Julie Allison

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Par Curiosity Club

Française et britannique, femme, mère et amante, plume et cadre dirigeante, Julie aime les mots mais pas les cases étroites dans lesquelles on range les idées et les gens. Elle milite pour une intelligence plurielle, pour le droit à être plusieurs choses en même temps et considère la curiosité comme la plus belle des qualités. Pour Curiosity Club, elle partage des fragments de vie et pose des mots sur les déflagrations qui nous ébrèchent autant qu'elles nous grandissent. 

Ophélie est diplômée d’un PhD en philosophie et études de genre de l’université de Cornell (USA). Elle enseigne les humanités politiques et les questions de genre à Sciences-Po Paris. Son approche éclaire les sujets d’égalité F/H, d’inclusion et de leadership par les sciences humaines.

Valentine partage avec nous les 10 ans qu’elle a passé sur le terrain à parcourir les zones de conflits pour faire respecter le « droit de la guerre » et améliorer les conditions des civils souffrant d'années de conflits. De la gestion du risque et de la peur à l’exploitation de ses forces en passant par l’adaptation à son environnement et la négociation, vous n’êtes pas au bout de vos surprises. 

Philosophe de formation, Camille a travaillé comme chargée de recherches dans le milieu de l’innovation sociale, puis comme conseillère auprès d’un élu local. Elle écrit pour contribuer à la fabrique d'un monde pétri de moins d'inégalités - qu'elles soient sexistes, classistes, racistes, validistes. Ses domaines de prédilection ? L’égalité femmes-hommes, la justice sociale et le travail, la culture et le design.


Jeanne a étudié les lettres et le cinéma à Paris, Montréal et Rome. En 2024, elle s'est installée sur l'île de Groix pour reprendre la co-direction artistique du FIFIG, un festival de cinéma documentaire dédié à l'insularité. Elle travaille en parallèle sur ses propres projets de films documentaire et d'écriture.

Consultante et aujourd'hui journaliste, Clémentine s'intéresse notamment aux évolutions du monde du travail, aux questions de genre et d'égalité, et à l’écologie. Elle aime écrire sur l'actualité, les gens qu’elle rencontre ou pour détailler les pérégrinations de son cerveau.